Façades (1)

Publié le par ap



En janvier dernier, la presse américaine annonçait la disparition de Betty Freeman. Si cette femme fut l’un des mécènes célèbres de Los Angeles, apportant particulièrement son soutien à des musiciens comme John Cage, Terry Riley ou Steve Reich… elle était aussi sensible aux réalisations de Oldenburg, Lichtenstein, Stella, Flavin ou Francis, dont elle avait rassemblé, durant une quarantaine d’années, plusieurs de leurs œuvres. Suite à l’annonce, on apprenait qu’une vente aux enchères d’une grande partie de ses collections se tiendrait bientôt, vente qui depuis a eu lieu.

 

Si Betty Freeman est peut-être mieux connue, c’est notamment grâce au portrait que David Hockney réalisa d’elle en 1967, posant debout en robe rose, sur la terrasse de sa villa de Beverly Hills.

 

Inscrite dans la série des grands portraits réalisés lors de son séjour en Californie entre les années 60 et 70, cette peinture est pourtant née « par hasard » aux dires du peintre Anglais. Invité dans la demeure, et alors qu’il réalisait des photographies de la piscine, sujet qui à l’époque retenait toute son attention, il prit aussi quelques clichés de la propriétaire. C’est à partir de ces images qu’il entreprit de peindre la toile.



Si le hasard n’est sans doute pas pour grand-chose dans cette histoire, l’œuvre n’en est pas moins considérée comme l’une des pièces majeures de l’artiste. Beverly Hills Housewife, acrylique sur toile imposante par ses dimensions (183 cm x 366 cm) a été peinte sur deux panneaux. Ce format allongé, quasi panoramique, fait de toute évidence référence à la culture cinématographique, qui dans cette ville peut prendre tout son sens, mais aussi aux tableaux de la Renaissance Italienne, voire aux dispositifs de certaines fresques dans une facture picturale qui se rapproche en partie de celle de Piero della Francesca, pour qui Hockney a souvent manifesté son intérêt.

 

 

Conformément aux prises de vues initiales, la figure est présentée dans un décor frontal assez glacé, combinant de grands aplats colorés et les écrans réfléchissants des baies vitrées. Contrairement à ce que j’ai pu lire, et malgré la source utilisée par le peintre, le traitement de la figure, des objets ou du lieu ne sont pas réalistes mais simplifiés. Ainsi les murs qui ont perdu toutes textures ou les vitres qui sont figurées comme on le ferait dans une bande dessinée, avec un système de hachures blanches obliques. Le sol, la platebande de gazon et le ciel sont ramenés au minimum de leurs représentations et seul quelques éléments ont bénéficié d’un soin plus particulier, les motifs de zèbre de la chaise longue « Le Corbusier » sur la gauche, le trophée d’antilope accroché au mur, un petit bananier dépliant son feuillage, une sculpture composée de trois éléments superposés et bien entendu la figure droite dans sa robe rose. Et encore, à bien y regarder, seul le visage contient quelques effets de modelés. 

 

La rigueur du tracé, la géométrie prononcée des volumes accentuent la sensation théâtralisée de la posture de la figure et de la scène en général. Si le carré de gauche comporte les signes d’une animalité domestiquée, ou plutôt réduite aux éléments pseudos exotiques, le carré de droite fait dialoguer, par leurs verticalités et leurs couleurs, nature et représentation ou pour le dire autrement nature et culture tous deux trouvant un écho (ou une réponse) en la personne de Betty Freeman.

 

Si ce n’étaient les différents éloges qu’a pu susciter cette peinture de David Hockney, on pourrait penser ici que le propos du peintre est un rien ironique, ou peut-être carrément acide. Dans cet espace aride, où si peu de choses paraissent avoir de consistance, la collectionneuse semble n’être qu’un objet parmi les autres éléments de son univers : poupée rose dans un univers propret et aseptisé (au point que l’on se demande finalement si le bananier n’est pas en plastique…)

 

C’est d’ailleurs un sentiment semblable que l’on trouve dans plusieurs peintures de cette époque que ce soient les paysages présentant des façades d’immeubles traités comme de simples décors sans épaisseur, ou dans les portraits de  Américan collectors  Fred and Marcia Weisman, voire dans une certaine mesure dans Rock Mountain and tired indians ou Arizona qui contiennent encore des éléments formels de la première période anglaise.

 

 

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