Vues composées

Publié le par ap


Besançon, 12.08

 


Il y a deux nuits de cela, somnolant à demi, sur un siège en plastique d'une salle d’attente, il m’est revenu une image. Enfin non, ce n’est pas exactement ça : pas une image précise, mais l'impression d’un lieu  déjà visité, il y a longtemps ! Disons plutôt un lieu imprécis mais constitué d’un ensemble d’images croisées, superposées que je croyais (re)connaitre : un rêve, à n'en pas douter.

Il y avait une esplanade assez grande pour accueillir un chapiteau de cirque – quoique, je me sois dit que certains cirques, sillonnant les campagnes, pouvaient être des dimensions plus modestes - ; c’était le matin assez tôt, où peut-être le soir – à cause de la lumière rasante – la place était vide mais conservait les traces d’une fête qui s’était tenue là. Mon œil était attiré par les guirlandes électriques enroulées sur des colonnes, comme du lierre sur un tronc d’arbre, ou encore – mais je me souviens avoir pensé que j'exagérais toujours – comme un serpent, celui par exemple qui se trouve dans la scène de la tentation chez Michel-Ange - ou encore comme dans réclame pour des chaussures – des bottes de cow-boy, je crois – En avançant sur l’esplanade, je constatais qu’il s’agissait en fait plutôt d’un parking dont le bitume, très dégradé, était encore, par endroit, marqué de lignes de peintures indiquant l’emplacement du stationnement. Des voitures il y en avait justement, une puis deux puis dix... qui semblaient surgir de derrière un muret bas en briques rouges, alignées comme des jouets. Mais il ne s'agissait pas de nos petits véhicules européens, non !, c'étaient de grosses carrosseries rutilantes genre Cadillac. Une enseigne au néon, dont je n’arrivais pas à lire le sens du mot, clignotait à contretemps dans une flaque, tantôt bleue, tantôt rose. Les lettres se chevauchaient dessinaient une fleur, un cavalier de rodéo, ou un fer à cheval…que sais-je ? Voulant m’approcher, je me heurtais à un grillage, qu'il semblait impossible à contourner ou à franchir. Les lumières se diffusaient en halos entre les mailles, bavaient - comme lorsque la mise au point d’un objectif automatique de caméra n’arrive pas à trouver la profondeur juste - dessinant de gros cercles mous. Le ciel virait au rouge, un palmier s’embrasait sous le clapot d’un drapeau froid parsemé d’étoiles et barré d’une croix. D’un coup, j’étais dedans, couché sur le dos, contemplant, incrédule, le soleil éteint d’une ampoule; le plafond, composé de panneaux de bois, semblait s’affaisser sous l'humidité, ses joints distendus m’évoquaint ceux des plaques de béton soulevées par des racines puissantes. Aux fenêtres de la pièce, des stores  blancs; sur le plancher, des mégots dansaient dans des rayons qui pliaient les angles des cloisons, des canettes de bières éparses modelaient le relief d'un paysage montagneux.. Puis, de nouveau dehors, le sol était un ciel de boue perforé, où glissaient des nuages; les canettes étaient devenues des bidons jouants à mimer les poches blanches qui glissaient dans l'azur lavé. Il avait plu (?) : la chaussée ruisselait comme la peau d'un éléphant sortant du bain. A cet instant précis, je pensais à une scène de Apocalypse Now, où l'officier venu éliminer Brando se glisse dans l'eau de nuit, tel un serpent, pour rejoindre la riive... La menace était là tapie dans l'ombre déchirée du rideau des grands arbres : petits yeux rouges enchâssés dans un corps luisant...



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